La sérénité de vos paies

La situation du salarié qui prend acte de la rupture du contrat de travail vient d’être sécurisée. La nouveauté est la mise en place d’une procédure accélérée du traitement par le conseil de prud’hommes du contentieux entre le salarié et son employeur. Rappel sur ce dispositif qui existe depuis une dizaine d’années.

 

Le principe

Il s’agit d’une situation de fait qui n’est pas réglementée par le Code du travail, mais qui a été consacrée par les juges il y a plus de 10 ans. C’est un mode de rupture du contrat de travail qui ne constitue ni un licenciement, ni une démission.

Ce procédé permet à un salarié de mettre fin unilatéralement à son contrat de travail en raison des manquements graves qu’il reproche à son employeur. À charge ensuite pour le salarié de saisir le juge pour qu’il statue sur les effets de la rupture. Autrement dit, le salarié prend l’initiative de la rupture mais en impute la responsabilité à son employeur.

Si les juges estiment que les manquements de l’employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si au contraire, les juges estiment que les manquements de l’employeur ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles, la rupture produit les effets d’une démission.

Le problème jusqu’à présent était, qu’entre le moment où le salarié saisissait le juge et le moment où le juge se prononçait sur les effets de la résiliation judiciaire, il s’écoulait entre 10 et 16 mois durant lesquels le salarié se trouvait dans une situation précaire.

Il avait déjà souvent quitté l’entreprise. Il ne touchait donc plus de salaire et n’était généralement pas indemnisé par Pôle emploi dans la mesure où il existait un doute sur le caractère volontaire ou non de la rupture.

 

Que change cette nouvelle loi ?

Dans le but de sécuriser la situation du salarié, la loi met en place une procédure accélérée du traitement contentieux des prises d’actes par le conseil de prud’hommes. En application du nouvel article L. 1451-1 du Code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

 

Remarque : La phase de conciliation est supprimée.

 

Cette procédure s’inspire de celle prévue en cas de demande de requalification d’un CDD en CDI (Code du travail, art. L. 1245-2). Mais déjà des voix se font entendre pour dire que ce délai ne sera jamais respecté :

 

Motivation du salarié

Si le salarié prend l’initiative de rompre ainsi son contrat de travail, c’est qu’il reproche à l’employeur des manquements portant sur la violation de ses obligations essentielles. Il estime ces manquements tels, que pour lui, cela empêche la poursuite du contrat de travail.

Cette prise d’acte peut être justifiée notamment en cas :

Il prend donc acte de la rupture du contrat de travail et impute son départ de l’entreprise à des manquements de l’employeur liés à ses obligations contractuelles.

 

Aucun formalisme n’est exigé. Tout salarié peut demander la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, à l’exception du salarié en période d’essai.

Elle peut concerner un salarié en CDD ou en CDI.

La prise d’acte de la rupture du contrat peut être écrite ou orale.

La plupart du temps, toutefois, les salariés préviennent l’employeur par lettre recommandée en listant les raisons de la prise d’acte afin de se ménager des moyens de preuve en cas de litige. Cette lettre est directement adressée à l’employeur par le salarié ou par son avocat au nom du salarié.

 

Après cela, le salarié va saisir le conseil de prud’hommes pour demander la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’affaire est dorénavant directement portée devant le bureau du jugement sans passer par le bureau de conciliation. Celui-ci doit statuer dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

 

Remarque : Alors que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, le salarié peut faire état au juge de griefs qu’il n’aurait pas mentionnés dans la lettre de prise d’acte de la rupture, pour autant qu’il n’ait pas eu connaissance de ces faits postérieurement à la rupture.

 

Les effets

La prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail aux torts de l’employeur. Le salarié n’est pas tenu d’effectuer un préavis.

L’employeur doit lui remettre les documents de fin de contrat de travail et notamment un certificat de travail, une attestation Pôle emploi sur laquelle l’employeur doit faire figurer le motif exact de la rupture du contrat de travail tel qu’il ressort de la prise d’acte du salarié et un reçu pour solde de tout compte.

Il n’a pas à délivrer au salarié une lettre de licenciement, car au départ il n’y a pas de licenciement.

Dès lors que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, celle-ci est effective. Elle entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. Dès lors, aucun salaire n’est dû pour la période postérieure à la prise d’acte.

Dans un second temps, le salarié demande au conseil de prud’hommes d’assimiler cette rupture à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur à lui verser les indemnités qui en découlent.

Le juge devra alors décider, une fois saisi, si la prise d’acte est justifiée ou non. C’est au salarié d’apporter la preuve de faits réels et suffisamment graves à l’encontre de l’employeur. Si un doute subsiste, il profite à l’employeur.

Si, selon les juges, les faits invoqués justifient la prise d’acte, celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou d’un licenciement nul s’il s’agit d’un salarié protégé).

 

Dans ce cas, l’employeur doit verser au salarié les indemnités suivantes :

Le salarié ne pourra demander ni sa réintégration (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-15974), ni d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement car il ne s’agit pas d’un licenciement.

Il pourra bénéficier d’allocations chômage, s’il remplit les conditions d’ouverture de droits.

Mais en prenant acte de la rupture de son contrat de travail, le salarié prend un risque, celui de voir les juges considérer la prise d’acte comme non justifiée. Et dans ce cas, la rupture est requalifiée en démission et en produit les effets.

 

Source

Loi n° 2014-743 du 1er juillet 2014 relative à la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié, Jo du 2 juillet